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Mémoire des Équipages des marines de guerre, pêche, commerce & plaisance de 1939 à 1945
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Une évasion (_HOMME_8178_) en juin 1940 (Extrait du journal de la Résistance Bretonne « Ami entends-tu » n° 108) (18145)

par Gilbert BAUDRY

Les troupes allemandes entrèrent à Lorient le 21 juin 1940 précédées d'estafettes en motocyclette qui se rendirent à l'Amirauté.

Le matin, un _PAROLE_combat pour l'honneur_ les avait retardées aux Cinq Chemins de Guidel, dans le cadre d'une action ordonnée par le Chef d'Etat-Major de _HOMMEi_DARLAN_, à l'Amiral _HOMME_24977_, Commandant de la Place de Lorient.

L'usage malencontreux d'un drapeau blanc, pour avertir de l'arrivée des adversaires et interprété comme signal de reddition, provoqua des pertes allemandes qui furent reprochées par la suite à l'amiral français, une accusation dont il eut beaucoup de mal à se laver car il était présent aux Cinq Chemins.

La position devint rapidement intenable pour la troupe française débordée par la puissance de feu de l'ennemi ; l'Amiral ordonna d'arrêter le combat et rejoignit la Préfecture Maritime.

Le Commandant de l'avant-garde allemande lui téléphona avant de se présenter et recommanda de disposer des drapeaux blancs et des draps en croix dans la ville, sinon celle-ci serait bombardée et elle fut effectivement survolée par des bombardiers à basse altitude.

L'ordre de capitulation était exigé de l'Amiral ainsi que le rassemblement de tous les marins et soldats sur la Place d'Armes à 18 heures.

J'avais vu arriver l'avant-garde sur le Cours de Chazelles et disposer les draps en croix sur les places et avenues ; en toile de fond à l'est de l'Arsenal, côté Lanester, les citernes à mazout brûlaient près du village du Cosquer, dégageant des nuages de fumée noire.

Ces images sont en moi comme si elles dataient d'hier.

Je suis rentré à la maison pour y retrouver ma mère et ma cousine Antonine à qui je fis le récit des événements. Antonine, femme de _HOMME_8178_, était venue du Pouliguen la semaine précédente en confiant ses enfants Pierre et Michèle aux grands-parents.

_HOMME_8178_, mobilisé depuis 1939, était quartier-maître électricien à bord de _UNITE_337_, un aviso mis en service en 1920, date que je ne peux oublier puisqu'elle est celle de ma naissance.

_HOMME_8178_ nous rendait visite dès que la moindre permission le lui permettait ; Antonine avait décidé de le rejoindre quand elle avait appris que les troupes allemandes envahissaient l'ouest du pays.

Le 22 juin au matin, notre amie Madame Lusseaux, épouse du Capitaine _HOMMEi_Louis Lusseaux_ qui commandait le détachement des marins-pompiers de Lorient, nous informa que la veille au soir les troupes rassemblées sur la Place d'Armes étaient parties à pied pour Pont-Scorff, encadrées par les Allemands.

Nous savions que l'_UNITE_337_ était dans le port, donc _HOMME_8178_ devait se trouver là-bas, prisonnier. Nous avons donc décidé de nous rendre aussitôt à Pont-Scorff pour lui apporter du linge propre, de la nourriture et notre réconfort.

Au tout début de l'après-midi, nous prenions le _PAROLE_train de patates_, ainsi nommé car les cultivateurs, le long de la ligne Lorient-Gourin, l'utilisaient pour le transport de leurs pommes de terre.

La voie ferrée traversait le camp de prisonniers, nous avons été surpris par leur nombre ; par la suite nous avons appris qu'il y avait là environ 6.000 hommes.

Sitôt débarqués à Pont-Scorff et sur les indications des gens du pays, nous sommes allés par un raccourci jusqu'à Prat-Caradec, sorte de grand plateau nu près de la ferme de Mon Plaisir.
Le spectacle était déconcertant car les prisonniers n'étaient nullement abattus ; ils devisaient tranquillement, les uns se promenant, d'autres allongés certains aussi visibles accroupis aux feuillées. Aucune tente, aucun abri.

Les sentinelles allemandes qui les entouraient, arme en bandoulière, étaient plus impressionnantes par leur taille - aucun soldat n'avait moins d'un mètre soixante-dix que par leur attitude. Ils apparaissaient comme des hommes jeunes, sportifs, détendus, très disciplinés mais pas malveillants, et incontestablement vainqueurs. Ceux-là arrivaient de Dunkerque par la
Normandie et Rennes.

Il n'y avait pas de séparation nette entre le camp de prisonniers et le reste des champs ; tout au plus, par endroits, un fil de fer barbelé qui avait servi comme clôture pour les bestiaux. Sans doute n'avait-on pas eu le temps de clore.

Quelques familles parlaient aux soldats français. _HOMME_8178_ nous repéra et nous rejoignit en bordure du camp. Les effusions terminées, il entra dans le vif du
sujet : il n'avait pas du tout envie de rester là !

Il nous expliqua que si l'ambiance générale était aussi calme, c'est que depuis la Place d'Armes, la plupart des militaires, officiers compris, étaient persuadés - ou on les avait persuadés - que la guerre était ?nie et qu'ils étaient rassemblés pour faciliter les opérations de démobilisation ; en outre, des sous-officiers allemands avaient affimwé que sans certificat de démobilisation, ils s'exposaient aux pires ennuis.

Mais _HOMME_8178_ ne faisait pas confiance à ces raisonnements ; sa tension contrastait avec la sérénité de la majorité de ses compagnons et il nous laissa rapidement entendre que si nous revenions avec des habits civils il trouverait bien un moyen de s'évader.

Nous mettions alors sur le compte d'un esprit d'indépendance largement répandu dans la famille ce désir qui nous semblait légitime de vouloir s'évader quand on est prisonnier de guerre.

Aussi lui avons-nous assuré que nous reviendrions le lendemain.

De retour à la maison, Rue Jeanne d'Arc, nous avons longuement discuté de la façon de procéder. Il nous semblait que l'évasion était réalisable si _HOMME_8178_ pouvait changer de vêtements sans se faire remarquer et partir aussitôt avec les civils que nous étions.

Ma tante, Maria Tostène, épouse de Pierre Le Mentec, qui nous rendait visite fréquemment, se proposa de nous accompagner : trois femmes debout dissimuleraient mieux _HOMME_8178_ que deux au moment opportun. Elle devait se munir d'une veste de son fils _HOMME_24978_ qui avait contracté un engagement dans la Marine mationale ; nous ne disposions en effet que d'un pantalon, d'une chemise
et d'un vieux pull-over, mes vêtements étant restés à Clohars-Carnoët, mon poste d'instituteur.

Mais le plan buta un moment sur la façon de tromper la vigilance de la sentinelle la plus proche ; puis petit à petit une idée simple de ma mère fit son chemin : on appellerait quelqu'un pour lui remettre un morceau de lard, la sentinelle nous surveillerait certainement et on profiterait de son inattention.

J'étais chargé de cette opération.

Le 23, Marie Josèphe Le Mentec, ma mère, ma tante Maria Tostène, Maria Breuil dite _PAROLE_Antonine_ et moi reprenions le train. Lors de la traversée du camp, nous remarquions la même indolence, sauf à son pourtour car il y avait au moins trois fois plus de civils que la veille.

Cela faisait plutôt notre affaire.

Plus impatient que jamais, _HOMME_8178_ nous rejoignit. Les sentinelles étaient distantes les unes des autres d'environ 25 mètres ; dès que celle près de qui nous nous trouvions tourna le dos, _HOMME_8178_ s'allongea à terre.

Je me plaçai alors à 2 ou 3 mètres devant l'Allemand, un solide gaillard bien armé qui me dépassait de deux têtes.

Après un coup d'oeil aux trois femmes qui faisaient écran en se parlant, je me mis à héler un _PAROLE_Mathurin_ imaginaire avec de grands mouvements de bras, le lard dans son torchon de chanvre.

Deux gars s'approchèrent lentement, en hésitant, dont l'un au moins devait se nommer Mathurin.

Je déballai le lard devant l'Allemand, plus curieux que méfiant, et j'expliquai pas très sûr de ma position - que le lard était destiné à ce Mathurin qui, Ià-bas, se dirigeait vers les feuiilées...

Les explications ne devaient pas être très claires, elles durèrent un moment puis je m'aperçus que Maiie-Josèphe Le Mentec était à mes côtés, ce qiu signifiait qu'un militaire s'était transfonné en civil.

Les deux soldats nous assurèrent qu'ils remettraient notre cadeau à celui dont on voyait vaguement la tête au milieu du camp, toujours sous l'oeil du Vainqueur
plutôt goguenard. Ma mère récupéra d'abord son torchon.

Maria, Antonine et _HOMME_8178_ avaient pris de l'avance mais nous attendaient dans le chemin creux qui rejoignait la gare. Les habits de marin se trouvaient dans un sac de toile blanc qui avait transporté les vêtements civils et je voulus les cacher dans un fourré rempli de ronces, car je craignais les conséquences d'un contrôle à la gare.

Je me fis houspiller : _PAROLE_On n'allait pas gaspiller des beaux vêtements comme ça._

Par bonheur, en juin 1940, les soldats allemands rencontrés s'intéressaient plus au costume pittoresque de paysanne de Maria Tostène qu'au contenu de son sac.

Le retour nous parut long. _HOMME_8178_ et Antonine n'ouvrirent pas la bouche. Les voisins meublèrent une conversation qui portait essentiellement sur la durée de la détention.

_PAROLE_Quelques jours !_ disaient les optimistes.

_PAROLE_Oh ça peut demander deux semaines_ objectaient les autres.

_PAROLE_la démobilisation ça prend du temps_.

Ce n'est qu'à la maison que tout le monde se détendit. Finalement, ça s'était bien passé, plus facilement que nous ne l'avions imaginé.

_HOMME_8178_ nous avoua alors que s'il était plus décidé que d'autres à fausser compagnie aux gardiens, c'est non seulement qu'il doutait de cette fameuse démobilisation, mais qu'il craignait des représailles. Sur ordre, il avait saccagé toute l'installation électrique de son aviso, aidé à démolir les machines et finalement à saborder le navire, le 19 juin, après que l'Amiral de Laborde eût ordonné à l'Amiral _HOMME_24977_ de faire partir tous les navires en état de marche, ce qui n'était pas le cas de _UNITE_337_, immobilisé par une révision de ses machines.

Antonine et _HOMME_8178_ regagnirent Le Pouliguen quelques jours après et les gendarmes régularisèrent sans difficulté la situation militaire d'un gars du pays.

Les prisonniers de Prat-Caradec, au bout d'une semaine, furent conduits à Hennebont, dans le grand enclos des Haras. D'autres évasions s'étaient g certainement produites à Pont-Scorff; elles devinrent dès lors impossibles, les Haras étant entourés de hauts murs bien gardés.

Puis les prisonniers partirent en Allemagne et la plupart ne revinrent que cinq ans après : la résignation s'était révélée moins payante que l'esprit de résistance ou la simple aspiration à la liberté.

La généreuse participation de Maria Tostène ne fut pas récompensée. Son fils _HOMME_24978_, marin des _UNITEi_Forces Françaises Libres_, se trouvait sur le cargo _UNITE_1445_, réquisitionné et aménagé en navire sanitaire.

Une violente tempête lui fit rompre ses amarres dans le port de Naples le 11 février 1944. A la dérive, le navire heurta une mine et sombra.

_HOMME_24978_ lutta longtemps avec l'un de ses camarades et, au moment où une vedette venait les sauver, affaibli par la dysenterie, ses forces le trahirent et il coula.

Décoré à titre posthume, son nom figure sur le monument aux morts de Ploemeur.

Les Allemands firent renflouer _UNITE_337_ qui servit de dépôt à la Direction du Port ; devant l'étendue des dégâts, ils avaient renoncé à le remettre en service.

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