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Mémoire des Équipages des marines de guerre, pêche, commerce & plaisance de 1939 à 1945
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Charles NOIROT
Matricule : 1690T36   
Spécialité : Canonnier
Dernier grade : Matelot

États de service (3)

Canonnier
Matelot
- 1940 -
     /1940
CAPITAINE ARMAND - Embarqué

Article


Attaque anglaise contre un convoi au large de Nemours (Algérie) (18161)

par Max COUSIN le 30 mars 1941

Le 28 mars 1941, appareille de Casablanca un convoi de quatre navires : AZROU, BANGKOK, CAP VARELLA, SAN DIEGO, sous escorte du torpilleur SIMOUN. Ce convoi doit passer le détroit de Gibraltar et se rendre à Oran, chaque navire devant continuer ensuite Vers la Métropole.

Le chargement des navires est des plus précieux pour le ravitaillement de la France. Qu'on en juge :
AZROU : 1 100 tonnes de primeurs, œufs, semences ;
BANGKOK : 7 000 tonnes de riz, rhum, thé, poivre, crin végétal, liège ;
CAP VARELLA : 6 000 tonnes de sucre, café, légumes ;
SAN DIEGO : 7 000 tonnes d'orge.

En outre, _le CAP VARELLA transporte 82 passagers civils et 70 militaires et l'AZROU, plus de 100 passagers militaires. Presque tous sont des réservistes démobilisés qui rejoignent leurs foyers en France.

Le convoi règle son allure à 9 n. 5, vitesse du BANGKOK qui est le navire le moins rapide. On contourne de nuit le cap Sportel et le lendemain à l'aube, le convoi passe le détroit de Gibraltar en longeant la côte espagnole, en ligne de file dons l'ordre suivront : SAN DIEGO, CAP VARELLA, BANGKOK, AZROU, pendant que le SIMOUN se tient à un demi-mille environ par le travers bâbord. La nuit est très belle et la visibilité excellente au large alors qu'elle. est médiocre en direction de la terre, à tribord.

Le matin, vers 8 h. 30, on aperçoit quelques silhouettes de navires inconnus dans le N.-E. Le SIMOUN fait immédiatement incliner la route du convoi vers la terre, pour se rapprocher de la côte d'Algérie qui est en vue vers le Sud.

Peu après, on reconnaît que les bâtiments aperçus au loin sont un croiseur et quatre torpilleurs britanniques qui mettent le cap sur le convoi. Celui-ci fait alors route au Sud sur le cap Tarca et le port de Nemours, pensant trouver dans les eaux territoriales françaises la sécurité à laquelle il a droit. L'AZROU qui est le meilleur marcheur et qui se trouvait en queue du convoi augmente sa vitesse et distance rapidement les autres navires. Au contraire, le BANGKOK qui ne peut augmenter de vitesse reste en queue, légèrement distancé par le CAP VARELLA et le SAN DIEGO qui naviguent de conserve.

Les torpilleurs anglais se détachent nettement du croiseur et à 20 nœuds rattrapent facilement nos navires.

Arrivé à quelques milliers de mètres, le chef de flottille anglaise demande au SIMOUN de stopper. Non seulement celui-ci n'obéit pas a cette injonction, mais il s'emploie très habilement à protéger le convoi en faisant de nombreux zig-zags à grande vitesse sur son arrière, menaçant ainsi constamment d'amener des abordages avec les torpilleurs anglais. Cette poursuite durera trois quarts d'heure, pendant lesquels les marins français et anglais se tiennent au poste de combat, parés à toute éventualité.

A 9 h. 20, le torpilleur anglais H 74 a rattrapé le BANGKOK qui est le dernier et lui signale par pavillon :
« Stopper votre navire immédiatement »
puis :
« N'utilisez pas votre poste de T.S.F. »
pendant que par projecteur il répète sans arrêt l'ordre de stopper. Le Capitaine GUILLOUZO, du BANGKOK, ne se laisse pas intimider pour si peu. Il continue imperturbablement sa route, recommandant seulement à la machine de donner toute la vitesse possible. Un autre torpilleur anglais, le H 67, vient par bâbord à lui et signale à son tour
« Stoppez, j'ai une communication importante à vous foire »
puis
« J'envoie une embarcation. »

« Nous continuons notre route vers la terre et ne répondons à aucun des signaux, dit 1e Commandant du BANGKOK dans son rapport de mer. Le H 74 se rapproche à nous toucher par tribord et règle sa vitesse sur la notre. Ses deux embarcations sont parées à être amenées et chargées de marins en tenue et armés. Vers 9 h. 35, étant à environ deux milles du Cap Tarca, les deux torpilleurs nous serrent de plus en plus, gardant leurs signaux battants et ne cessant de répéter au projecteur »
« Stoppez »
« Le H 74 oriente ses canons vers nous et nous passe à environ 50 mètres de l'étrave. Nous continuons notre route sans changer de vitesse et ralliant petit à petit vers Nemours. »

La manœuvre d'intimidation ne réussit pas et l'on est bien forcé d'admirer 1e calme et la confiance du Commandant du BANGKOK qui ne se soucie nullement des canons anglais pointés vers son navire et continue, inébranlable, sa route.

Pendant ce temps, le groupe SAN DIEGO, CAP VARELLA, efficacement protégé par le SIMOUN qui continue les zig-zags a grande vitesse, est à 2 milles du cap Torca et enfin l'AZROU, assez en avance dans le Sud-Ouest, est arrivé à l'entrée du port de Nemours suivi de très près par un torpilleur anglais le H 67. Celui-ci voyant que sa proie va lui échopper et entrer dans le port, signale à nouveau
« Stoppez immédiatement et n'utilisez pas la T.S.F. »
puis
« Stoppez immédiatement ou j'ouvre le feu. »
Pas de réponse à ces ordres, note le Capitaine RICHARD qui commande l'AZROU, et continue la route sur Nemours à allure maxima.

A 9 h. 42 exactement l'AZROU entre dans le port de Nemours et mouille. Il est sauvé.

Mais le torpilleur anglais qui le suivait et tentait de l'arraisonner ne stoppe pas immédiatement. Aurait-il l'audace de pénétrer dans un port français ?

Non, parce qu'un autre acteur intervient dans le drame qui se joue si serré depuis quelques minutes. La batterie de côte de Nemours, installée au bout de la falaise, est là pour faire respecter nos droits. A 9 h. 43 exactement, elle ouvre le feu sur le croiseur anglais qui est resté a 15 000 mètres environ dans Nord et qui, de là, dirige ses torpilleurs.

L‘effet du tir est immédiat : les torpilleurs abandonnent leur poursuite, manœuvrant immédiatement pour rallier le croiseur. Mais.celui-ci, qui depuis une demi-heure pouvait à loisir préparer son tir, répond au feu de notre batterie. Et aux deux pièces de l55 qui assurent seules chez nous la protection de nos côtes, le croiseur répond par quatre tourelles triples du même calibre et son tir est remarquablement précis.

Puis au croiseur qui tire avec ses 155, le torpilleur H 67 (Fearless), qui poursuivit l'AZROU jusqu'à l'entrée de Nemours, ajoute ses pièces de 120 pendant qu'il bat en retraite route au Nord à grande allure.

La batterie abandonne alors le croiseur et tire sur le H 67 qui est plusieurs fois encadré.

A 9 h. 50, la batterie est durement touchée par le tir du croiseur anglais. Une de nos pièces est mise hors de combat avec un servant tué et trois hommes grièvement blessés. L'autre pièce continue à tirer sur le torpilleur jusqu'à 9 h. 55, heure à laquelle une salve du croiseur touche à nouveau au but et tue à leur poste de combat l'enseigne de vaisseau Charles NOIROT, commandant la batterie, deux canonniers et fait plusieurs blessés.

Notre batterie est ainsi réduite au silence non sans avoir touché au moins une fois le torpilleur anglais H 67 qui prend de la bande.

Les Anglais cessent le feu peu après. Ils n'ont pas tiré moins de 150 coups de canon. Les torpilleurs rejoignent le croiseur et font route ensemble vers le N.-W. en direction de Gibraltar, ayant échoué dans leur tentative de capture du convoi français. Celui-ci se reforme sous la conduite du SIMOUN et appareille bientôt pour Oran.

Pendant ce temps, les escadrilles d'aviation navales basées à Tafaraoui près d'Oran font aux navires anglais une sérieuse conduite. A trois reprises dans l'après-midi des bombes sont lancées sur les navires anglais dont les armements de DCA sont attaqués au canon et à la mitrailleuse par nos chasseurs de protection. Une bombe touche le croiseur en plein sur l'arrière et une autre touche un des torpilleurs.

Cette riposte quoique postérieure à l'attaque du convoi, établit suffisamment aux yeux des Anglais que nous avons la ferme volonté de défendre nos navires et nos eaux territoriales.

L'affaire est un succès pour nos armes, puisque le but avoué des Anglais de s'emparer du convoi n'a pu être atteint.

Le torpilleur SIMOUN, commandé par le capitaine de corvette ROBERT, a montré le plus bel esprit de devoir et d'ardeur. Lorsqu'il s'est vu devant des forces britanniques d'une supériorité écrasante et s'est rendu compte qu'il n'avait aucune chance de salut, il fut prêt au suprême sacrifice dans un esprit de dévouement et d'abnégation qui lui fait le plus grand honneur. Mais fort habilement il voulut laisser aux Anglais l'initiative de l'ouverture du feu, et lorsque la batterie de Nemours intervint, il n'a pas participé au_combat, sauvant à la fois son bâtiment et son convoi.

Mais cette conduite habile n'enlève aucun mérite aux Commandants, aux États-Majors et aux Équipages des navires de commerce.

L'AZROU, Capitaine RICHARD, a judicieusement agi en faisant route à toute vitesse vers le port de Nemours et a fait preuve de sang-froid et de jugement en entrant dans le port pour mettre a l'abri son navire et ses passagers civils.

Le SAN DIEGO et le CAP VARELLA, grâce aux manœuvres hardies du SIMOUN, purent être conduits, sans être accostés, jusqu'à la côte où ils étaient prêts à s'échouer quand la batterie a ouvert le feu.

Quant au BANGKOK, Capitaine GUILLOUZO, le plus mauvais marcheur, il a courageusement continué sa route vers la terre malgré les torpilleurs britanniques qui l'approchaient, le menaçaient et lui ordonnaient de stopper.

Les Commandants de ces quatre bâtiments de commerce ont, par leur exécution scrupuleuse des ordres, par leur sang-froid et leur décision, non seulement amené à bon port leur précieuse cargaison, mais ils ont conservé à la France quatre navires, partie aujourd'hui très précieuse du
patrimoine national.

lls ont montré ainsi que la France pouvait avoir pleine confiance dans sa Marine de Commerce, dévouée au travail, méprisant les risques et loyalement attachée avant tout à la seule cause des Français.

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